Quelle immense joie!
Petit fils d'Arméniens, né en France, j'ai entendu durant toute mon enfance chanter les beautés de l'Arménie, du pays de mes pères. Les arbres fruitiers à profusion, les animaux.... bref : le "jardin d' Eden" d'un peuple martyr.
La cathédrale apostolique arménienne de la rue Jean Goujon de Paris (8e) m'a infusé le sens de Dieu si magnifique et si simple du peuple arménien. Il suffit d'entrer dans cette cathédrale pour comprendre que les Arméniens, écrasés par l'Histoire, ont toujours les yeux braqués sur la Croix du Christ - elle brille si fort au dessus de l'autel -.
L a beauté, non la splendeur, de la Liturgie arménienne, tombée du Ciel et héritière des premiers siècles chrétiens transporte tout à la fois dans le Royaume de Dieu avec tous les anges qui se prosternent devant Christ et au coeur de cette multitude de martyrs chrétiens criant vers le Sauveur pour tous les hommes. "Mystère indicible" dit la liturgie, tout un peuple chante son Dieu dans les joies et les peines.
Comme tous les enfants des familles arméniennes j'ai entendu le récit -quasi religieux- du génocide de 1915. Le sang du Peuple de Dieu, de la première nation chrétienne qui hurle toutes les souffrances humaines et les conséquence du péché. Bien sûr, il y a chez tout arménien une attente de justice, de revanche quasi génétique, mais comment pourrait-il en être autrement quand la souffrance est niée, l'anéantissement réduit lui-même au néant? La "Nacht und Nebel" de l'holocauste de nos pères juifs est reconnu, la souffrance du petit peuple arménien reste dans le silence où on veut la réduire encore. A travers toute son Histoire, encore plus dans ce génocide, le peuple arménien s'est uni pour toujours à la Croix du Sauveur.
Comme beaucoup d'enfants de la diaspora, on m'a transmis l'amour de cette terre natale inconnue, comme l'amour de la terre où je suis né et où je vis. Se dire arménien, ce n'est pas nier sa nationalité, c'est au contraire mettre au service du génie du peuple auquel on appartient tout l'héritage sacré qui coule dans le sang arménien - ce sang qui a tant coulé!-. Oui il y a de "l'orgueil arménien", mais le mot orgueil est négatif ; pourtant cachée au fond des dictionnaires, il y a la belle définition de "l'orgueil chevaleresque" : c'est de la même famille! Comme beaucoup de petits - enfants de la Diaspora, je n'ai pas tout reçu... La langue (ou les langues, l'Arménien en Occident et en Orient ayant connu chacun leur développement) m'est inconnu sauf quelques mots de tous les jours ou des formules gravées en moi pour toujours "Der Voghormia! Der Voghormian! Der Voghormia!". Cette dernière expression c'est un peu pour moi l' "ADN" arménien, je l'ai entendu répétée et répétée par les voix puissantes des prêtres arméniens, je l'ai répétée sans la comprendre... et un jour j'ai su : "Seigneur prends pitié!"
La plupart des arméniens sont enfants de l'Eglise Apostolique Arménienne, fondée selon la Tradition par les Apôtres Thadée et Barthélémie, orgnanisée par le premier patriarche (Catholicos) Saint Grégoire l'Illiminateur. Si vous allez visiter au Vatican la crypte des papes, vous rencontrerez un peu avant l'entrée sa statue monumentale- pas vraiment souriante- avant l'entrée. Cette vénérable Eglise n'a pas participé au concile de Chalcédoine dans les premiers siècles et s'est ainsi séparée de l'Eglise Catholique et des églises qui deviendront les Eglises orthodoxes. Il ya aussi des Catholiques arméniens, ils font partie de ceux que l'on appelle un peu facilement des "uniates", des églises d'Orient qui ont retrouvé l'unité avec le Siège de Rome et sont donc devenus Catholique en conservant leurs rites et traditions propres, ils ont leur propre Patriarche au Liban. Ils sont beaucoup moins nombreux. Il y a aussi des Arméniens qui pour divers raisons -souvent de commodités- sont devenus des Catholiques Latins, c'est mon cas, Prêtre indigne du Christ dans l'Eglise catholique romaine. Il existe aussi des églises protestantes arméniennes lesquelles je connais beaucoup moins.
Je vous propose dans les pages qui suivent de découvrir mes premiers pas sur la terre de mes pères avec un groupe de pélerins très sympathique. Je vous propose ce voyage comme des cartes postales envoyées à des amis. Ce n'est pas un cour de géographie ou de sociologie - ou de religion - juste le regard émerveillé d'un fils qui découvre ses origines , les yeux remplis de joie -parfois de peines et de questions.
Abbé Stéphane Gotoghian